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Évaluation de l’endettement et de la vulnérabilité financière des ménages ontariens

Principaux points

  • La croissance économique de l’Ontario est soutenue depuis 2010 par de faibles taux d’intérêt qui incitent les consommateurs à la dépense et stimulent le marché du logement. Il en résulte toutefois une augmentation considérable de l’endettement des ménages. Ainsi, en 2016, le ménage ontarien moyen avait une dette de près de 154 000 $, contre 119 000 $ en 2010. Cet endettement représente 171 % du revenu disponible en 2016; c’est 21 points de pourcentage de plus qu’en 2010 et huit de plus que dans le reste du Canada.
  • Avec la hausse des taux d’intérêt, la proportion du revenu des ménages affectée au remboursement de la dette devrait passer de 13,9 % en 2016 à 15,3 % en 2021; ce sera le pourcentage le plus élevé depuis au moins 1990[1]. Cette hausse aura une incidence disproportionnée sur les ménages à faible revenu, qui consacrent près d’un tiers de leur revenu au remboursement de leur dette.
  • Pour ce qui est du ménage moyen, le BRF estime que les remboursements annuels de dette grimperont de 3 000 $ pour atteindre 15 500 $ en 2021. Cette augmentation représente 1,4 % du revenu disponible des ménages, des fonds que ces derniers auraient autrement pu dépenser en biens et services.
  • Les ménages hautement endettés sont particulièrement vulnérables aux risques financiers. Si les taux d’intérêt grimpent plus vite que prévu, ils seront forcés de réduire leurs dépenses en biens et services pour payer leur dette, ce qui pourrait avoir de graves retombées sur l’économie en général.

Hausse considérable de l’endettement des ménages ontariens

La croissance économique ontarienne des six dernières années a été soutenue par la vigueur de l’investissement résidentiel et des dépenses de consommation. Cependant, combinés à une croissance anémique des revenus, ces investissements et dépenses entraînent une augmentation importante de l’endettement des ménages.

En 2010, le ménage ontarien moyen était endetté à hauteur de presque 119 000 $ : environ 76 000 $ en dettes hypothécaires et 43 000 $ en dettes non hypothécaires. Au total, ce passif correspondait à 150 % de son revenu disponible en 2010.

De 2010 à 2016, l’endettement des ménages a augmenté d’en moyenne 5,6 % par année, soit 2,2 points de pourcentage de plus que la croissance de leur revenu disponible. Cette rapide accumulation de dettes s’explique principalement par les prêts hypothécaires résidentiels, qui se sont alourdis de 6,5 % chaque année, ce qui représente presque deux fois le taux de croissance du revenu disponible. Quoique les dettes non hypothécaires (marges de crédit, prêts personnels…) ont également progressé plus vite que le revenu des ménages : 3,9 % par année en moyenne de 2010 à 2016.

L’augmentation de l’endettement des ménages ontariens de 2010 à 2016, nettement plus rapide que celle du revenu disponible

L’augmentation de l’endettement des ménages ontariens de 2010 à 2016, nettement plus rapide que celle du revenu disponible

Sources : Statistique Canada et Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario (tableaux 378-0151 et 384-0042).

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En 2016, le ménage ontarien moyen devait près de 154 000 $; 103 000 $ en prêts hypothécaires et 51 000 $ en autres types de dettes. Cet endettement représentait 171 % de son revenu disponible en 2016 – une augmentation de 21 points de pourcentage en six ans. Les ménages de l’Ontario se sont endettés plus rapidement que ceux du reste du Canada, où le ratio des dettes au revenu n’a progressé que de sept points de pourcentage au cours de la même période. Le ratio des dettes au revenu des ménages ontariens est le troisième en importance parmi les provinces, derrière ceux de l’Alberta et de la Colombie-Britannique (voir l’annexe).

Les ménages ontariens, endettés de 1,71 $ pour chaque dollar de revenu en 2016

Les ménages ontariens, endettés de 1,71 $ pour chaque dollar de revenu en 2016

Sources : Statistique Canada et Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario.

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Hausse prévue des remboursements de dettes

L’endettement des ménages a augmenté en flèche, mais comme les taux d’intérêt restent exceptionnellement bas, les remboursements sont demeurés relativement stables depuis 2010[2]. C’est ainsi qu’en 2016, le ménage ontarien moyen a consacré 12 500 $ au service de sa dette – soit 13,9 % de son revenu disponible.

Or, le BRF prévoit une hausse graduelle du taux d’intérêt directeur de la Banque du Canada au cours des trois prochaines années et, du coup, l’augmentation constante des taux d’intérêt pour les prêts hypothécaires et à la consommation. Plus précisément, il estime que le taux d’intérêt effectif sur la dette des ménages ontariens passera de 4,0 % en 2016 à 5,1 % d’ici 2021 (voir l’annexe)[3].

Sous l’effet des taux d’intérêt accrus, la proportion du revenu affectée au remboursement de la dette devrait passer de 13,9 % en 2016 à 15,3 % en 2021. Le service de la dette n’a pas demandé une part aussi importante du revenu depuis au moins 1990. L’importante augmentation des remboursements de dettes viendra ronger le revenu discrétionnaire des ménages, et surtout des ménages à faible revenu. En effet, comme ceux-ci consacrent près du tiers de leur revenu au remboursement de leur dette, ils seront touchés de manière disproportionnée par la hausse des taux (voir l’annexe).

La proportion du revenu des ménages affectée au remboursement de la dette, à un niveau record depuis 1990

La proportion du revenu des ménages affectée au remboursement de la dette, à un niveau record depuis 1990

Sources : Statistique Canada et Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario.
Note : Le BRF a obtenu ses estimations de l’historique du ratio total de service des dettes en appliquant la méthode utilisée par Statistique Canada dans Ratio du service de la dette des ménages – Intérêt et principal (2015).

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Pour ce qui est du ménage moyen, on s’attend à ce que le remboursement annuel de sa dette passe de 12 500 $ en 2016 à 15 500 $ en 2021, car les taux d’intérêt auront augmenté et les ménages continueront de recourir à l’endettement. Il en résulte une réduction de 3 000 $ du revenu discrétionnaire des ménages, somme qui représente en moyenne 1,4 % de leur revenu disponible et aurait autrement pu être dépensée en biens et services.
 
Soulignons que les ménages fortement endettés sont particulièrement exposés aux risques financiers[4], et qu’une flambée des taux d’intérêt éroderait encore davantage leur revenu discrétionnaire. Le BRF estime que si les taux excèdent les projections pour 2021 de 100 points de base, les ménages devront verser en moyenne 1 000 $ de plus en remboursements de dette, soit environ 1 % de leur revenu disponible. Du coup, ils seront forcés de réduire leurs dépenses en biens et services, ce qui pourrait avoir de graves retombées sur l’économie en général.

Luan Ngo                        
Directeur           
lngo@fao-on.org

Malcolm Martin
Stagiaire en économie

David West
Économiste en chef
dwest@fao-on.org

Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario
2, rue Bloor Ouest, bureau 900
Toronto (Ontario) M4W 3E2

Pour toute demande de la part des médias, communiquer avec Kismet Baun au 416 254-9232 ou à kbaun@fao-on.org.
 

Les données et calculs sur lesquels s’appuie la présente analyse peuvent être fournis sur demande.


Annexe

Endettement des ménages – Synthèse graphique

Endettement moyen des ménages, par type de dettes (hypothécaires et non hypothécaires)

Endettement moyen des ménages, par type de dettes (hypothécaires et non hypothécaires)

Sources : Statistique Canada et Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario.

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Ratio moyen des dettes au revenu disponible des ménages, par province (2016)

Ratio moyen des dettes au revenu disponible des ménages, par province (2016)

Sources : Statistique Canada et Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario.
Note : Le ratio des dettes au revenu des ménages albertains a augmenté de 21 points en 2016 en raison de la récession qui a frappé la province.

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Endettement des ménages canadiens selon l’âge et le revenu

En 2016, le remboursement de la dette représentait en moyenne 13,7 % du revenu disponible des ménages canadiens[5]. Toutefois, lorsque le principal soutien économique du ménage a moins de 44 ans, cette proportion est d’environ 17 %, et lorsqu’il s’agit d’un ménage à faible revenu, elle passe à près d’un tiers du revenu.

Ventilation du remboursement des dettes en pourcentage du revenu disponible des ménages canadiens (2016)

Ventilation du remboursement des dettes en pourcentage du revenu disponible des ménages canadiens, 2016

Sources : Statistique Canada et Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario.

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Projections du BRF quant à l’endettement des ménages et aux taux d’intérêt

Le BRF a produit ses projections de l’endettement des ménages à partir des analyses économétriques et prévisions économiques publiées dans ses Perspectives financières et économiques de l’automne 2017[7]. Sa projection de la dette hypothécaire se fonde sur des indicateurs du marché du logement, comme le nombre de logements achevés et les indices des prix des logements neufs de Statistique Canada[8]. Au vu des prévisions de ralentissement de l’investissement résidentiel dans ses Perspectives, le BRF estime que la dette hypothécaire par ménage augmentera de 2,8 % par année de 2017 à 2021, un rythme plus lent que la moyenne de 5,3 % de 2010 à 2016.

La projection de la dette non hypothécaire se fait à partir du revenu et des dépenses des ménages[9]. L’augmentation annuelle de l’endettement non hypothécaire devrait ralentir légèrement, passant de 2,7 % de 2010 à 2016 à 2,3 % en moyenne de 2017 à 2021, ce qui reflète les projections de croissance modérée des dépenses de consommation des ménages figurant dans les Perspectives.

Ratio des dettes au revenu des ménages – Projection du BRF

atio des dettes au revenu des ménages – Projection du BRF

Sources : Statistique Canada et Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario.

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Taux d’intérêt – Projection du BRF

Taux d’intérêt – Projection du BRF

Sources : Statistique Canada et Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario.

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Les projections du BRF quant aux taux d’intérêt hypothécaires et non hypothécaires se fondent sur les prévisions des Perspectives quant au rendement des bons du Trésor de trois mois et des obligations de dix ans du gouvernement du Canada. Le BRF prévoit que d’ici 2021, le taux d’intérêt non hypothécaire effectif montera de 1,7 point pour se porter à 7,5 %.

Comme de nombreux prêts hypothécaires ont une durée de plusieurs années, la hausse des taux n’a qu’un effet progressif sur les remboursements hypothécaires. Le BRF estime donc que le taux d’intérêt hypothécaire effectif s’accroîtra à un rythme plus modéré que le taux non hypothécaire : il passera de 3,1 % en 2016 à 4,0 % d’ici 2021.


L’augmentation de l’endettement des ménages ontariens de 2010 à 2016, nettement plus rapide que celle du revenu disponible 
Ce graphique montre le taux de croissance annuel moyen de l’endettement ainsi que du revenu disponible des ménages de 2010 à 2016. Au cours de cette période, le revenu disponible a augmenté d’en moyenne 3,4 % par année; les dettes hypothécaires, de 6,5 %; et les dettes non hypothécaires, de 3,9 %. L’endettement total a grimpé de 5,6 % par année.

Les ménages ontariens, endettés de 1,71 $ pour chaque dollar de revenu en 2016
Ce graphique compare le ratio des dettes au revenu des ménages de l’Ontario à la moyenne du reste du Canada. De 2010 à 2016, ce ratio est monté de 150 % à 171 % en Ontario, tandis que dans le reste du Canada, il progressait plus lentement, passant de 158 % à 164 %.

La proportion du revenu des ménages affectée au remboursement de la dette, à un niveau record depuis 1990
Ce graphique présente, sous forme de pourcentage du revenu disponible, les sommes consacrées par les ménages ontariens au paiement des intérêts sur leurs dettes ainsi qu’aux remboursements totaux (intérêt et principal) de 1990 à 2020. La proportion du revenu disponible affectée aux remboursements totaux était de 12,6 % en 1990. Elle a d’abord diminué au cours de la décennie, pour recommencer à grimper dans les années 2000. Ayant atteint un sommet de 14,3 % avant la récession, elle a chuté pour ensuite rester stable jusqu’en 2017. Pour la suite, le BRF prévoit une augmentation marquée : la proportion du revenu affectée aux remboursements devrait se porter à 15,3 % d’ici 2021, soit son plus haut niveau enregistré depuis 1990.
La proportion du revenu affectée au paiement des intérêts était quant à elle de presque 12 % en 1990, et a continué de baisser depuis sauf dans la période ayant immédiatement précédé la récession, où elle a fait un bond. Après la récession, la proportion a poursuivi sur sa pente descendante jusqu’en 2017, à partir de quoi le BRF prévoit une augmentation marquée.

Endettement moyen des ménages, par type de dettes (hypothécaires et non hypothécaires)
Ce graphique montre les dettes hypothécaires et non hypothécaires des ménages ontariens de 2010 à 2021. En 2010, le ménage moyen était endetté à hauteur de presque 119 000 $ : environ 76 000 $ en dettes hypothécaires et 43 000 $ en dettes non hypothécaires. En 2016, l’endettement total était passé à 154 000 $, à proportion de 103 000 $ en dettes hypothécaires et de 51 000 $ en dettes non hypothécaires. Le BRF s’attend à ce que l’endettement des ménages continue de s’alourdir, pour s’établir à 175 000 $ d’ici 2021 (118 000 $ en dettes hypothécaires, 57 000 $ en dettes non hypothécaires).

Ratio moyen des dettes au revenu disponible des ménages, par province (2016)
Ce graphique montre le ratio moyen des dettes au revenu disponible des ménages dans chaque province. D’est en ouest, ce ratio va comme suit : 151 % pour Terre-Neuve-et-Labrador, 113 % pour l’Île-du-Prince-Édouard, 126 % pour la Nouvelle-Écosse, 123 % pour le Nouveau-Brunswick, 150 % pour le Québec, 171 % pour l’Ontario, 141 % pour le Manitoba comme pour la Saskatchewan, et 191 % pour l’Alberta comme pour la Colombie-Britannique. La moyenne canadienne est de 167 %.

Ventilation du remboursement des dettes en pourcentage du revenu disponible des ménages canadiens (2016)
Cette section contient deux graphiques faisant état du remboursement des dettes des ménages canadiens en pourcentage de leur revenu; l’un ventile le tout en fonction de l’âge du chef de famille et l’autre en fonction du revenu du ménage. Le ratio moyen des remboursements par rapport au revenu pour tout le Canada était de 13,7 % en 2016.
Le premier graphique montre que le ratio des remboursements au revenu est d’environ 16,9 % pour les ménages dont le principal soutien économique est âgé de moins de 44 ans. Il descend ensuite à 14,7 % pour les 44 à 54 ans, à 13 % pour les 55 à 64 ans, et à 7 % pour les 65 ans et plus.
Le second graphique divise plutôt les ménages en cinq groupes, présentés en ordre croissant de revenu. Les ménages du quintile inférieur consacrent 31,3 % de leur revenu au remboursement de leurs dettes; ceux du second quintile, 17,8 %; ceux du troisième quintile, 16,1 %; ceux du quatrième quintile, 12,8 %; et ceux du quintile supérieur, 9,9 %.

Ratio des dettes au revenu des ménages – Projection du BRF  
Ce graphique présente les projections du BRF quant au ratio des dettes au revenu des ménages ontariens. De 2010 à 2016, ce ratio a grimpé de 20 points, passant de 151 % à 171 %. Il devrait se stabiliser après 2016 pour se fixer à 173 % en 2021.

Taux d’intérêt – Projection du BRF
Ce graphique fait état des projections du BRF quant aux taux d’intérêt. Le taux d’intérêt hypothécaire effectif avait reculé, passant de 3,9 % en 2010 à 3,1 % en 2016, mais il devrait ensuite faire un bond pour s’établir à 4,0 % en 2021. De la même façon, le taux d’intérêt non hypothécaire effectif, qui était descendu de 7,0 % à 5,8 % en 2016, remontera à 7,5 % en 2021.


[1] Statistique Canada n’offre des données par province sur le service de la dette des ménages qu’à partir de 1990.

[2] Statistique Canada publie uniquement l’historique de paiement des intérêts par province, ce qui exclut de fait le principal. Le BRF a estimé les remboursements de dettes totaux des ménages ontariens en employant la méthode qu’a publiée Statistique Canada. Voir Statistique Canada, Ratio du service de la dette des ménages – Intérêt et principal, 2015.

[3] Le taux d’intérêt réel effectif représente la moyenne pondérée des taux d’intérêt sur les dettes des ménages, calculée en divisant leurs paiements d’intérêt totaux par leur dette totale.

[4] Voir Banque du Canada, Revue du système financier, novembre 2017; et Fonds monétaire international, Global Financial Stability – Is Growth at Risk?: Household debt and Financial Stability, octobre 2017.

[5] La ventilation n’existe que pour les données du Canada entier. Le BRF suppose que les mêmes tendances moyennes selon l’âge et le revenu s’observent chez les familles ontariennes.

[6] Revenu des ménages par quintile : quintile inférieur, de 0 $ à 30 600 $; deuxième quintile, de 30 600 $ à 47 300 $; troisième quintile, de 47 300 $ à 69 200 $; quatrième quintile, de 69 200 $ à 97 100 $; quintile supérieur, plus de 97 100 $.

[7] Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario, Perspectives financières et économiques – Mise à jour de l’automne 2017, 2017.

[8] Les projections du prix de revente des logements et de l’investissement résidentiel réel des Perspectives de l’automne 2017 ont servi à remplacer respectivement les données sur les logements achevés et l’indice des prix des logements neufs.

[9] La rémunération des employés et la consommation des ménages dans les Perspectives de l’automne 2017 ont remplacé respectivement le revenu total et les dépenses des ménages.